Avec le bombardement d'Hiroshima et de Nagasaki, la seconde guerre mondiale s'achève et donne aux Américains l'impression trompeuse qu'ils sont pour longtemps les seuls détenteurs de la puissance atomique. Le sentiment qui domine est résumé par cette déclaration du président Truman lorsqu'il annonce le 7 août 1945 l'emploi de la bombe. "Nous avons mis au point la bombe et nous nous en sommes servis. Nous nous en sommes servis contre ceux qui nous ont attaqués sans avertissement à Pearl Harbor, contre ceux qui ont affamé, battu et exécuté des prisonniers de guerre américains, contre ceux qui ont renoncé à obéir aux lois de la guerre. Nous avons utilisé [l'arme atomique] pour raccourcir l'agonie de la guerre, pour sauver des milliers et des milliers de vies de jeunes Américains."
Désormais la bombe atomique devient une pièce maîtresse de l'arsenal de guerre américain. Mais il faut encore l'améliorer pour la rendre plus facile à produire et plus efficace. C'est pourquoi malgré la fin de la guerre, les recherches reprennent très vite. Dans les déserts de l'Ouest américain mais aussi sur l'île de Bikini dans le Pacifique.
Sur cete photo nous pouvons voir une explosion sous marine en 1946, sur l'île de Bikini, une possession américaine dans les îles Marshall. De vieux bateaux de guerre sont disposés pour mesurer son efficacité. Pour pouvoir procéder aux tests, la population de l'île avait été évacuée à 200 km de là. Le nom Bikini qui fait alors l'actualité sera repris par un fabriquant français pour lancer un maillot de bain minuscule qui fera scandale et aura par là même un succés énorme... Mais ces essais auront des conséquences à long terme, la radioactivité est telle que l'atoll sera, après deux tests, iradié pour toujours et ses habitants ne pourront jamais s'y réinstaller. Une vingtaine d'essais y seront menés jusqu'en 1958. Les retombées radioactives de certains d'entre-eux iront même contaminer les archipels avoisinants.
Au passage, il faudra attendre les années 60 pour que l'on prenne conscience du danger radioactif des essais à répétition et que l'on arrête les tirs aériens. De nombreux soldats et techniciens sont ainsi contaminés dans les centres nucléaires du monde entier. Des "points zéro" pas toujours si isolés que cela : c'est ainsi que des touristes viennent dans les années 50 à Las Vegas pour admirer les champignons atomiques du centre de Yucca Flats à une centaine de kilométres de la ville du jeu. Les cancers de la thyroïde parmi les personnels ayant travaillé sur ces sites et liés aux radiations se chiffrent probablement en dizaines de milliers. L'administration américaine n'a reconnu sa responsabilité dans ces maladies que très récemment et avec réticence.
Ils se trompent lourdement, d'abord parce que l'URSS dispose aussi de physiciens et de mathématiciens de premier ordre. Mais aussi parce que les services d'espionnage soviétiques ont depuis la guerre infiltré les centres de recherches américains et n'ignorent rien des travaux sur l'arme atomique. Staline était au courant du projet Manhattan avant le vice-président Truman tenu dans le secret du temps du président Roosevelt.
Les Soviétiques partent cependant avec un certain retard dans la course atomique, en effet la physique, trop théorique, n'était pas une priorité dans l'URSS des années 30 qui cherchait d'abord à se moderniser et l'a longtemps délaissée face à l'agronomie, la chimie ou l'électricité. Mais avec la guerre et la naissance de la bombe américaine, Staline change son fusil d'épaule et débloque d'énormes moyens pour la recherche nucléaire qui devient la priorité des priorités. Les physiciens Igor Koutchatov et Andrei Sakharov mettent au point un programme de recherche en un temps record. Des villes secrétes sont construites pour abriter les recherches et exploiter l'uranium. Il faut faire vite pour combler ce retard qui met l'URSS sous la menace américaine. Heureusement pour eux, les services secrets militaires vont leur donner un bon coup de pouce.
Fuchs joue sur ces sympathies pour rallier des savants à sa cause. Même s'ils ne sont pas forcément communistes, de nombreux physiciens sont sensibles à l'argumentaire développé par les pro-soviétiques: si les Américains sont les seuls à posséder la bombe, ils peuvent être tentés de l'utiliser. Si l'URSS l'a aussi, c'est l'équilibre et l'assurance de ne plus voir de nouvelle guerre éclater. Fuchs n'est d'ailleurs pas le seul espion infiltré dans le programme nucléaire, d'autres réseaux ont existé et certains n'ont jamais été découverts. Mais c'est celui qui obtiendra les résultats les plus importants. C'est ainsi que l'Union Soviétique abreuvée aux meilleures sources peut piller une partie de la technologie atomique américaine.
Le 23 septembre 1949, les Soviétiques procédent à leur premier essai atomique "Pervaya Molniya/ Premier éclair" à Semipalatinsk dans le Kazhakstan.
Aux Etats-Unis c'est le choc, d'autant que les services secrets mettent à jour l'existence du réseau Fuchs qui est arrété en Angleterre et fera neuf ans de prison avant d'être expulsé pour l'Allemagne de l'Est. Il a été confondu grace à des transfuges qui ont fuit l'Union Soviétique. Dans la foulée les Américains arrêtent un certain nombre de savants atomistes qui ont fourni des informations à l'ennemi. C'est l'affaire Rosenberg, un couple de savants américains accusés d'avoir trahi pour l'Union Soviétique, jugés et condamnés à mort et, dans le même temps la montée d'un anti communisme déchaîné autour du maccarthisme. La presse se déchaîne notamment contre Oppenheimer, l'ancien directeur scientifique qui les avait embauché pendant la guerre, qui voit sa carrière brisée nette.
Si dans les années 40, la bombe atomique restait aux yeux de l'opinion publique occidentale un objet de curiosité scientifique dont l'aspect menaçant demeurait vague, devenant même un sujet de plaisanterie ou de publicité, l'accès de l'URSS à la bombe change la donne. Les années 50 voient désormais apparaître l'idée d'une vraie menace nucléaire pour le monde car les deux adversaires de la guerre froide se sont équipés de l'arme atomique. L'Europe ici est en première ligne, les Soviétiques ne disposant pas encore d'avions ou de missiles capables de toucher les Etats-Unis en cas de guerre globale. De toute façon ,avec la bombe atomique soviétique, il n'est plus question d'utiliser celle-ci sur le terrain pour les Américains. Le général MacArthur qui avait demandé l'emploi de la bombe contre la Chine pendant la guerre de Corée est limogé par le président Truman qui ne veut pas risquer une riposte soviétique.
On voit commencer à fleurir un peu partout les abris anti atomiques. Des caches enterrées où on stocke vivres et équipements pour s'y réfugier en cas d'attaque nucléaire. En Europe, certains états craignant le pire s'équipent en masse. La Suisse, par exemple, dépense des millions pour faire creuser de quoi abriter toute sa population là où, pendant ce temps, la France ne fait quasiment rien, à part prévoir des replis pour protéger ses dirigeants. Aux Etats-Unis ce sont surtout les particuliers qui se font construire un abri dans le jardin ou sous la maison.
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Caricature américaine des années 50 sur l'équilibre de la terreur. Sur les missiles est inscrit : "Ne doivent en aucun cas être utilisé, l'ennemi pourrait répliquer."