Un travail de Charline Didot (TL)
"Notre intérêt est de faire partie de l’Europe et d’en être un acteur dominant, (…) j’aime l’Europe, je veux que la Grande-Bretagne en fasse partie. (…) L’Europe doit changer, si elle ne le fait pas, de graves problèmes nous attendent. Mais je voudrais que la Grande-Bretagne présente cette position d’un point de vue pro-européen plutôt qu’anti-européen.", déclara Tony Blair, le premier ministre de la couronne britannique lorsqu’il exprima sa position sur l’Union Européenne, lors de son arrivée au pouvoir en 1997.
Cette citation souligne d’amblée les relations ambiguës que peuvent entretenir l’Europe et la Grande-Bretagne, depuis de longue date. Quelles seraient alors les causes de ces relations compliquées entre l’Europe et la Grande-Bretagne ? L’origine du conflit remonte à la naissance de l’Union Européenne, avec les causes liées à la PAC, ensuite la question que pose la Manche et le détroit du Pas-de-Calais en terme de frontière, nous verrons d’autre part l’avis de Pauline Schnapper, puis nous ferons un détour au travers du projet Erasmus et enfin nous nous poserons la question d’une Grande-Bretagne eurosceptique.
Dessin issu de Nathan 1ère (J.L. Mathieu)
À la fin de la seconde guerre mondiale, la Grande-Bretagne se positionne en faveur d’une union des Etats européens. Winston Churchill atteste dans son discours de Zurich du 19 septembre 1946, que la meilleure façon de faire face à la menace d’une troisième guerre mondiale serait de former une unité, une « famille européenne ». Ainsi, c’est la Grande-Bretagne qui est à l’origine de la relance du processus de construction européenne en 1947, grâce entre autre à Churchill.
C’est donc après le traumatisme de la seconde guerre mondiale que l’unification européenne apparaît comme une nécessité et une volonté communes, dans le but de maintenir une paix durable. Six pays fondent la construction européenne : la France, la RFA, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Les « pères fondateurs » sont Jean Monet, Robert Schuman, Paul Henri Spaak, Konrad Adenauer et Alcide de Gasperi. C’est donc en 1948, que sous l’impulsion de Churchill, les pays favorables à une Europe unie se réunissent en congrès à la Haye. Cependant, il y a ceux qui veulent créer une Europe supranationale et ceux qui souhaitent une simple confédération d’Etats en conservant leur entière souveraineté.
De Gaulle fait face au Premier ministre britannique Wilson. Par terre : "acceptation sans condition des accords de la CEE" ; "renonciation à la politique d'équilibre entre les puissances de l'Europe continentale" ; "liens avec le Commonwealth".
Sur les vêtements : "interêts agricoles britanniques" ; "politique pro-américaine".
Köhler, Frankfurter Allgemeine Zeitung, 26 janvier 1967.
Autre cas de l’Union Européenne, celui de la mise en place de la PAC (Politique Agricole Commune), qui fut créée en 1957 puis mise en place en 1962. Elle a pour objectif de permettre aux agriculteurs de bénéficier d'un niveau de vie raisonnable, de fournir aux consommateurs des denrées alimentaires de qualité à des prix équitables et de préserver un patrimoine rural. De nos jours, elle génère toujours un désaccord entre la Grande-Bretagne et l’Europe, à propos de son budget. « Il y a des opinions contrastées sur le budget de cette politique, sur les outils et les moyens, mais tout le monde veut conserver la PAC », a commenté le ministre français Michel Barnier. Selon lui, « ce sera un long chemin » pour aboutir à une approche commune du fait des divergences entre pays libéraux, Grande-Bretagne en tête, et pays plus interventionnistes, qui souhaitent conserver une régulation. La France est traditionnellement opposée aux grandes réformes de la PAC que réclame notamment la Grande-Bretagne. En effet, le budget de la PAC s’élève à 43 % du budget de l’UE en 2008, dont environ 20 % revient à la France.
1) instaurer une éducation européenne à tous les niveaux, de la maternelle à l’université,
2) encourager l’apprentissage des langues étrangères afin d’améliorer la communication en Europe,
3) développer des symboles communs,
4) réaliser des actions concrètes dont les Européens pourraient se sentir fiers,
5) multiplier les échanges à tous les niveaux (jumelages des villes, échanges scolaires, …) pour permettre la connaissance des voisins en Europe.
Ainsi, ce programme forgerait un sentiment commun à l’Europe.
La Grande-Bretagne, bien qu’attachée à l’idée européenne, demeure difficilement convaincue par la participation à ce projet. Dès les débuts de la Communauté Européenne, les Britanniques expriment leurs réticences face à l’évolution possible de celle-ci, vers un système supranational, préférant eux, une coopération intergouvernementale. De même, ils manifestent leur refus face à l’OECE, l’Organisation Européenne de Coopération Economique et refusent d’entrer dans la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) en 1951. D’autre part, en 1963, la France rejette la candidature britannique à l’entrée dans la CEE (Communauté Economique Européenne), ceci se renouvellera en 1967.C’est donc ainsi que la Grande-Bretagne apparaît comme « mauvaise élève », en mettant de la mauvaise volonté face aux différents projets communautaires.
Nadège Chambon est chargée d'études à « Notre Europe », laboratoire d'analyse et de proposition politique fondé par Jacques Delors qui se consacre à penser l'unité européenne, où elle est responsable du programme de recherche PAC 2013. Elle déclare au cours d’un dialogue avec une chaîne de télévision agricole qu’« il y a un désaccord historique entre la France, qui est le premier bénéficiaire des aides de la PAC, et la Grande-Bretagne, qui est un pays moins agricole. La Grande-Bretagne est très précautionneuse par rapport à la question du rabais britannique et de la question de sa contribution au budget communautaire. Ces deux pays s’affrontent depuis des années sur le niveau du budget de la PAC ». Ces divergences entre la Commission européenne et la France, ont surgi dès le milieu des années 60, quand le président de Gaulle refusa par deux fois l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE, craignant notamment une remise en cause des intérêts agricoles. Un autre problème majeur se pose dans les relations complexes de l’Europe et la Grande-Bretagne, étant cette fois-ci géographique, et pas des moindres.
D’autre part, d’un point de vue géographie, la frontière qui sépare la Grande-Bretagne et la France est de moins en moins distincte. La notion de frontière est, aujourd'hui, en pleine redéfinition. Autrefois ligne de séparation, quasi physique dans certains cas à l'image du rideau de fer, la frontière représente désormais une ligne beaucoup plus floue. Elle est de nos jours à la fois une frontière administrative et un espace d’échanges économiques. En effet, la Manche connaît un trafic maritime dense pour les marchandises et y compris pour les personnes et les clandestins. La frontière entre la Grande-Bretagne et la France est désormais moins un espace d'opposition, de séparation, qu'un espace d'échanges qui connaît de multiples relations plus ou moins compliquées. Aujourd'hui, la Grande-Bretagne est arrimée à l'Europe, ne serait-ce que par l'intermédiaire du tunnel sous la Manche. On évoque désormais, à l'heure de l'Europe, la notion d'« eurorégions » où les frontières, héritages de l'Histoire, n'ont plus vraiment de réalité. Autre conséquence de cette séparation, le détroit du Pas-de-Calais, un lieu de commerce, de transit, d’échange, et aussi la limite de l’espace Shengen. Les deux rives du détroit séparent les deux pays de cette même Union Européenne, et la législation reste différente dans chaque rive. Des milliers de personnes venues du bout du monde ont traversé l’Europe entière, souvent au péril de leur vie, pour atteindre Calais. La Grande-Bretagne se veut donc proche de l’Europe en terme géographique, mais veut tout de même garder une certaine distance au niveau politique.
Par ailleurs, nous pouvons constater le scepticisme de la Grande-Bretagne face à l’Union Européenne. En effet, les Britanniques considèrent l’UE comme une « machine bureaucratique qui étouffe le développement économique et commercial du Royaume et met en danger sa souveraineté » ; de plus, la population ne semble pas propice à développer un sentiment d’identité européenne. De ce fait, à l’heure où l’on parle beaucoup des enjeux de l’intégration européenne, nous pouvons nous demander pourquoi la population britannique est si réticente quant à cette dernière. Pauline Schnapper, professeur de civilisation britannique (Paris 3) et docteur en Sciences Politiques, a écrit un livre concernant l’Europe et la Grande-Bretagne, qu’elle qualifie de « double malentendu » : malentendu de la part des continentaux qui refusent de comprendre les spécificités politiques britanniques et malentendu de la part des Britanniques qui ont toujours sous-estimé l’importance et la portée du processus d’intégration européen. L’ouvrage est divisé en cinq chapitres, qui proposent différentes approches, à la fois historiques, sociales et politiques, permettant au lecteur de se faire une opinion plus personnel que celle avancée par les médias.
Pour faire partie de l’Union Européenne, il faut aussi avoir un sentiment européen. Les Britanniques ont justement du mal à acquérir cette identité européenne. Sabine Strauss, Directrice adjointe du département des séminaires au C.I.F.E., a une opinion sur la question. Malgré la libre circulation des citoyens mis en place par l’Union, cette identité n’est que très peu appropriée. S. Strauss remet en cause l’idée de création d’une communauté de solidarité, selon laquelle, il faudrait organiser l’Europe sur le modèle étatique, c’est-à-dire avec un gouvernement et un Parlement européen, avec une garantie des droits sociaux et une protection juridique au niveau européen. Selon elle, « la solidarité des peuples serait réelle et l’identité commune suivrait tout naturellement ». Elle préconise donc différentes manières de développer le sentiment européen :
En relation avec cette idée, au cœur de ces échanges se trouve le projet Erasmus. Il fut lancé en 1987 avec la participation de onze pays. Les étudiants peuvent effectuer une partie de leurs études dans un autre établissement scolaire européen. Sur ce point, l’Europe n’a aucune difficulté avec la Grande-Bretagne, ce qui nous montre qu’il n’y a pas que des aspects négatifs dans cet échange. Selon certaines personnes ayant étudié le cas de l’Europe et de la Grande-Bretagne, au niveau de leur relation, ont conclu que les étudiants Erasmus se sentaient tous plus européens qu’avant, de même, leur discours sur l’Europe, son avenir et ses enjeux, laissent transparaître leur conscience d’appartenir à une société commune.
Toutefois, trente ans après l’adhésion de la Grande-Bretagne, à l’Union Européenne, nous pouvons nous poser la question si ce pays est réellement ce mauvais élève, insulaire et revêche, tant critiqué par ses partenaires « continentaux » ? Ou n'est-ce pas plutôt la virulence du débat européen dans la vie britannique qui a forgé cette réputation ? Nous savons tous que la Grande-Bretagne hésite encore à adopter l’euro, je me suis alors penchée sur la question, pour mieux connaître les arguments qu’elle avance à ce sujet là.
Pour Gordon Brown (ministre des Finances, devenu depuis premier ministre), toute décision ne peut se faire que sur la base de l’intérêt national de la Grande-Bretagne. Lors de son accession au pouvoir en 1997, le gouvernement Blair avait fixé cinq critères de la compatibilité de l’économie britannique avec la monnaie unique européenne :
- la convergence avec la zone euro
- une souplesse suffisante pour s’adapter
- l’impact sur l’emploi
- l’impact sur les services financiers
- l’impact sur l’investissement étranger
Le constat de ces critères, étudié par le gouvernement Blair a conclu que trois des cinq critères n’étaient pas encore remplis pour l’adhésion, un seul (le service financier) étant satisfait.
La fluctuation des cours entre la livre et l'euro.
Pour ce qui est du point de vue des Britanniques, ils demeurent hostiles à 60 % à l’adhésion à la monnaie commune européenne. Pour eux, la monnaie est sans doute avec la Reine et le drapeau, le dernier refuge de leur insularité. Car la livre sterling introduite voici 1 200 ans est plus ancienne que toutes les devises des pays qui font partie de la zone euro.
Par ailleurs, je tenais tout de même à exposer un projet qui fut pour cette fois concluant entre l’Europe et la Grande-Bretagne, pour ne pas rester sur un aspect négatif en ce qui concerne leur relation. Ce projet est celui de l’Airbus qui fut un succès européen. En 1967, les gouvernements français, britannique et allemand décident de lancer un programme d’avion commercial. Trois ans plus tard, Airbus Industrie naît. Le 28 octobre 1972, le premier A 300 effectue son vol inaugural. Airbus est donc un exemple réussi de coopération européenne.
Certes, depuis la création de la CEE qui deviendra ensuite l’Union Européenne, les relations entre l’Europe et la Grande-Bretagne n’ont pas été des plus amicales. Néanmoins, certains projets démontrent pourtant que ces pays peuvent se montrer compréhensifs et peuvent réussir à l’aboutissement d’une idée. Toutefois, la Grande-Bretagne restera toujours une île proche de l’Europe en terme géographique, mais éloignée pour ce qui est des pouvoirs politiques et économiques.
Sources :
http://www.cafe-geo.net/
http://www.terre-net.fr/
http://www.euractiv.fr/
http://www.touteleurope.fr/fr/histoire/dates-cles/frise-historique-multimedia.html
http://www.rennes.iep.fr/IMG/pdf/Bertault.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Erasmus
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Un bel article très détaillé avec des sources multiples, même si parfois l'aspect chronologique manque un peu et si le choix des illustrations est un peu limité je me suis permis d'en rajouter quelques unes pour clarifier et illustrer cet article.
Peu de choses à rajouter donc, si ce n'est que le Royaume-Uni n'a rejoint la Communauté Economique Européenne qu'en 73, avec de fortes réticence, liées à leur relation privilégiée avec les Etats-Unis et leurs anciennes colonies dans le cadre du Commonwealth. Méfiance partagée par le général de Gaulle qui bloquera toute tentative de rentrée du royaume dans l'Europe. D'où la création le 4 janvier 1960 de l’Association Européenne de Libre-Echange pour créer une zone de libre-échange pour les pays d’Europe non membres de la Communauté économique européenne (CEE) et de contrebalancer celle-ci avec les états scandinaves, la suisse, l'Autriche ou le Portugal. Cette Europe "bis" finit par être intégrée à la CEE, comme une sorte d'antichambre pour les pays souhaitant se rapprocher de l4'U.E. sans toujours l'integrer.
Une méfiance britannique qui est souvent plus celle de la population que de ses classes dirigeantes, et qui l'a conduit à refuser l'Euro ou Schengen. Celle-ci a longtemps attribuée à Bruxelles les raisons des difficultés économiques et sociales du pays. Toutefois depuis que la crise financière a particuilièrement frappé le Royaume-Uni, qui est repassée derrière la France en tant que 5ème puissance économique mondiale peut peut-être changer la donne. La solidité de l'euro face à une livre dont la valeur se déprécie fait des envieux et de plus en plus de britanniques se rangent à l'idée de rejoindre la monnaie unique.
C'est cependant loin d'être fait car la Grande Bretagne reste jalouse de sa souveraineté au sein de l'UE qu'elle voit d'abord comme un vaste espace de libre-échange, plus difficilement comme un espace politique qui doit lui dicter sa conduite. Il est excessif de dire que les britanniques sont anti-européen, simplement ceux-ci ne considérent pas l'UE comme devant être un espace supranational remplaçant l'autorité de chaque pays membre. Un regroupement d'abord économique d'état indépendants, voilà leur conception de l'Europe.