Le retour au pouvoir du général de Gaulle en mai 1958 se fait dans des conditions très particulières. Avec, à Alger, le coup de force des généraux et des ultras de l'Algérie française, tout le monde craint un coup d'état militaire sur la capitale. Lorsque le général de Gaulle annonce qu'il se tient prêt à prendre les rênes du pouvoir en ces temps de crise, le héros de la libération semble être le recours idéal pour calmer l'armée en colère. Le président de la République, René Coty, fait donc appel au "plus illustre des Français" pour resoudre le problème, mais de Gaulle pose ses conditions : il veut modifier la constitution.
Désigné Président du Conseil de la IVème République le 1er juin par Coty, de Gaulle va aussi être le dernier à cette fonction et enterrer ce régime trop parlementaire et innefficace à son goût. En effet, il charge un de ses fidèles, le juriste Michel Debré, d’élaborer une nouvelle constitution qui donnerait la primauté à l'éxecutif comme le général l'avait édicté dans son discours de Bayeux de 1946. C'est la Vème république du 4 octobre 1958, qui va être ratifiée le 28 septembre par les Français en referendum. Un succés massif avec un oui à 79 %.
Cette constitution va devenir notre système politique. Relativement souple mais parfois peu claire sur certains points, elle va être l'objet de nombreuses interprétations par les Présidents successifs et sera régulièrement retouchée avec le temps et connaîtra donc de nombreuses révisions ( 16 depuis 1958) dont la dernière en date a eu lieu en 2008 et à (entre autre) limité le mandat présidentiel à 2 fois.
Cette constitution nouvelle met en place en France un régime semi-présidentiel : la puissance de l'Assemblée Nationale reste importante mais est contrôlée. Elle ne siège plus de façon permanente, ne décide plus de son ordre du jour et surtout doit partager l'initiative des lois avec le gouvernement. Sa capacité de motion de censure est considérablement compliquée pour limiter les mises en cause du gouvernement. Elle doit se faire à la majorité absolue des députés soit un minimum de 288 voix exprimées, ce qui n'est pas si évident que cela à établir compte tenu de l'absentéisme important des députés qui se relayent à la chambre (alors que dans la quatrième il suffisait de la majorité des présents, soit parfois moins d'une vingtaine de députés).
Néanmoins l'Assemblée demeure puissante et peut bloquer toutes les décisions du gouvernement. C'est ce qui explique que lorsqu'un président se retrouve face à des députés de l'opposition très majoritaires à la Chambre, il soit parfois obligé de prendre un Premier Ministre qui ne soit pas de son camp politique. C'est ce qu'on appelle la cohabitation qui n'était initialement pas prévue par la constitution. (photo : Michel Debré présente la nouvelle constitution à la presse)
Elle doit aussi compter avec une deuxième assemblée : le Sénat, héritier du Conseil de la République, qui bien que toujours élue de façon indirecte n'est plus consultative mais a cette fois-ci un vrai droit de décision sur l'élaboration de la loi.
Mais c'est surtout le Chef de l'Etat qui se voit doté de pouvoirs et de prérogatives étendues. D'abord élu par un collége de 70 000 grands electeurs (maires/conseillers généraux/députés/sénateurs), le Président est à partir de 1962, élu directement par le peuple. Un ajout fondamental, qui se fait par réferendum à la grande fureur des députés non gaullistes qui voient là une menace potentielle de pouvoir personnel quasi dictatorial, en effet, cette légitimité du peuple souverain ( ce qu'on surnomme "l'onction du suffrage universel" en référence à l'huile sainte qui lors du sacre des rois à la cathédrale de Reims conférait au monarque le pouvoir absolu issu de Dieu) donne au Président la garantie de son pouvoir qui ne peut-être remis en cause que par les urnes.
Il est élu pour un septennat (7 ans) puis, depuis 2001, un quinquénnat (5 ans) desormais renouvelable une seule fois (2008)
Affiche pour le référendum de 1962
Il est toujours le chef des armées (art 15), garant de la paix, de la guerre et de l'usage de l'arme atomique à partir de 1960.
Il nomme le premier ministre, et sur proposition de celui-ci, les ministres. Il peut quand il le désire mettre de même fin à leurs fonctions sur proposition du Premier Ministre (ce qu'on appelle un remaniement ministériel). Ceux-ci se réunissent à l'Elysée pour le conseil des ministres (art 9) généralement le mercredi matin. Le rôle du Premier Ministre (et non plus Président du Conseil comme avant car il ne peut y avoir dans l'optique de de Gaulle qu'un seul président) est donc clairement de mettre en application la politique du Président.
le Président nomme ambassadeurs, préfets, chefs d'états majors (art 13-14 -15) et une kyrielle d'emplois publics dans des secteurs allant de la culture (patron de France Télévision depuis peu) aux grandes entreprises publiques.
Face au parlement il a de nombreux pouvoirs qui passent généralement par l'intermédiaire du Premier Ministre. Il peut dissoudre l'Assemblée Nationale (art 12). Il peut avoir recours au référendum c'est à dire poser directement une question par oui ou non aux Français, (art. 11). Le Premier Ministre, lui, peut passer en force une loi grace à l'article 49.3 qui autorise celui-ci à faire adopter une loi sans vote, les députés devant faire alors une motion de censure contre le gouvernement (à n'utiliser que lorsque vous êtes sûr d'avoir une majorité solide à la Chambre).
En justice, il posséde un droit de grâce (il dispense un prisonnier de sa peine) et d'amnistie (il supprime la condamnation) (art.17). Cette grâce était capitale (c'était le cas de le dire) jusqu'en 1981 puisque la peine de mort par guillotine existait et que le président était le dernier recours du condamné. De même, traditionnellement, des grâces collectives étaient prononcées lors de l'élection du président et au 14 juillet pour commémorer la destruction de la prison de la Bastille. Une habitude supprimée par le Président Sarkozy dans la réforme de 2008. De plus le président dispose d'une immunité judiciaire pendant son mandat et est déclaré irresponsable pendant celui-ci, c'est à dire qu'on ne peut pas le traîner devant les tribunaux après son mandat pour ses actions effectuées pendant qu'il était Président.
De plus en cas de crise grave, le président peut prendre provisoirement les pleins pouvoirs (art 16). Le problème étant que ce terme crise grave n'a jamais été clairement défini. Procédure excdeptionnelle ela ne sera utilisé qu'une seule fois en 1961 lorsque le général de Gaulle devra faire face à une rebellion de son état-major en Algérie, le "putsch des généraux".
Les 6 présidents de la Vème
Même si ce n'est pas écrit dans la constitution, l'usage veut que la défense et les affaires étrangères soient du ressort du président. C'est son "domaine réservé". Une habitude qui vient du Général de Gaulle pour qui ces deux questions étaient fondamentales. Il y eut bien quelques frictions avec le Premier Ministre lors des périodes de cohabitation mais dans l'ensemble cette habitude est restée jusqu'à nos jours. Notre Président est l'un des Chef d'Etat qui au final a le plus de pouvoir parmi les régimes démocratiques.
Enfin apparait un nouvel organe consultatif, le Conseil Constitutionnel composé des anciens Présidents de la République ainsi que de 9 "sages" nommés conjointement par le Président, le Président de l'Assemblée et celui du Sénat. C'est un organe de surveillance de la conformité des lois par rapport à la Constitution. Il est consultatif mais son avis est généralement respecté.
On le voit la Vème république est un régime parlementaire mais où la place du Président est prépondérente. On parle parfois de "Monarchie républicaine" pour désigner cette tendance très nette à la personnalisation du pouvoir. Un modèle contesté mais qui tient toujours après 50 ans d'usage...
Pour compléter :
Le texte actuel de la Constitution telle qu'elle est en vigueur depuis les dernières reformes constitutionnelles de 2008
Le discours qui présente au français cette constitution nouvelle
Un dossier du site d'Etienne Augris sur la Vème République qui revient, entre autre, sur les articles les plus controversés de la constitution et sur la reforme de 2008.