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29 décembre 2009 2 29 /12 /décembre /2009 11:19

Pour retrouver la troisième partie de cette étude...

La menace nucléaire est devenue telle à la fin des années 50 que la nécessité de dialoguer pour éviter le pire s'impose de plus en plus comme une évidence pour les dirigeants des deux grands blocs. Les temps ont changé. Avec l'arrivée de Nikita Khrouchtchev au pouvoir en Union Soviétique en 1956, les relations avec les Etats-Unis se sont progressivement améliorées. C'est
le temps de la coexistence pacifique.

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                                Un missile Titan américain sur son pas de tir

Pourtant, une nouvelle inquiétude apparait au tournant des années 60 : la prolifération de l'arme nucléaire. Tant que seules les deux grandes puissances détiennent la bombe atomique, le risque de son emploi demeure limité. Mais un certain nombre de pays veulent à leur tour accéder à ce qui semble être à la fois un symbole de puissance et la meilleure garantie de dissuader un ennemi plus puissant de les envahir. Après la Grande Bretagne qui a réussi créer sa bombe en 1952, d'autres nations commencent à developper plus ou moins secrétement des recherches nucléaires militaires. La France, la Chine mais aussi la Suède, le Canada où Israël se lancent dans la foulée, dans de tels projets.

En 1957 les Nations Unies mettent en place une organisation spéciale l'Agence Internationale de l'Energie Atomique qui doit promouvoir l'énergie nucléaire mais en limiter les usages militaires. Cependant, malgré les bonnes intentions de façade, cette AIEA reste totalement inefficace en ces temps de guerre froide, même si elle tente de pousser les nations du monde vers la voie du désarmement.

En 1960, la France devient la quatrième nation atomique lorsqu'elle fait exploser "gerboise bleue", sa bombe A dans le désert algérien. Nous consacrerons un chapitre spécial de cette série à la bombe française.

W020090907565182760879.jpgPuis, le 16 octobre 1964, c'est la Chine qui expérimente à son tour la bombe atomique. Elle veut cette arme car elle se méfie tout particulièrement des Etats-Unis qui ont menacé de recourir à des frappes atomiques contre elle lors de la guerre de Corée ou lorsque la question de la souveraineté de Taïwan était évoquée. Au départ, lorsqu'en 1956, la Chine communiste s'était lancée dans l'aventure nucléaire elle avait pu bénéficier de l'aide de l'allié soviétique qui lui avait fourni spécialistes et matières premières.  Mais les relations avec Moscou se dégradent rapidement. Mao Ze Dong tient à ce que la Chine ne soit pas qu'un simple satelitte de l'URSS et reproche à Khrouchtchev sa politique de coexistance pacifique. A partir de 1959, la rupture est consommée et les Chinois doivent se débrouiller seuls. Leurs savants se mettent au travail dans le plus grand secret. L'essai, dont le nom de code est "596", à lieu à Lop Nor, une zone isolée au Nord Est du pays et surprend tout le monde par sa rapidité. On ne croyait pas les Chinois capables d'une telle efficacité technologique. D'autant qu'il est suivi en 1967 par une bombe H. Désormais les 5 membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU sont des puissances nucléaires.

Pendant ce temps d'autres pays s'arment plus ou moins discrétement, c'est ainsi que les Suédois, pourtant neutres, mais très inquiets de la proximité soviétique, fabriquent une bombe atomique dans le plus grand secret. Le Canada développe lui aussi des centres de recherche très performants, L'Inde lance des projets nucléaires militaires à son tour après une défaite face à la Chine sur sa frontière himalayenne. Au Proche Orient, l'Egypte et Israël, en conflit déclaré, veulent aussi la bombe et commencent à travailler sur la question.

Désormais tout le monde veut sa bombe et le risque de voir celle-ci utilisée augmente proportionnellement. D'autant que tous ces pays ne sont pas particulièrement stables politiquement.  Qui sait entre les mains de qui l'arme atomique peut tomber. Il n'y aura pas toujours un James Bond pour arrêter, comme au cinéma, le compte à rebours fatidique ! 

palomares_recuperacion.jpgUn autre danger guette aussi les puissances nucléaires:  l'accident. Plusieurs réacteurs,  tant civils que militaires, ont eu des problèmes de fuites radioactives, vite camouflés aux yeux de l'opinion publique au nom du secret défense . A plusieurs reprises, les américains perdent des bombes atomiques ! En 61 un bombardier en exercice s'écrase en Caroline du Nord avec deux bombes H à bord. Heureusement, les mécanismes empêchant l'explosion des bombes fonctionnent. L'incident le plus spectaculaire médiatiquement à lieu en janvier 66 à Palomares en Espagne où un bombardier transportant deux bombes H percute un avion ravitailleur et explose. Une bombe retombe dans la campagne espagnole, l'autre dans la Méditerrannée. Il faudra presque trois mois pour récupérer l'engin immergé. Sous l'oeil des caméras du monde entier comme le montre cette photo.

fraga.jpg

            L'incident de Palomares vue par un caricaturiste espagnol dans la presse de l'époque...

Puis en janvier 68 c'est un bombardier équipé de 4 bombes qui s'écrase dans la mer de Thulé près du  Groenland. Les conditions météo catastrophiques de l'hiver arctique gènent la récupération des engins et la décontamination du site. Depuis, des actions en justice ont été intentées contre l'armée américaine par les habitants, dénoncant l'augmentation anormale des cas de cancers dans la région. Et ce n'est là, secret militaire oblige, que la partie émergée de l'iceberg. Si du côté occidental, la presse révèle parfois les accidents, du côté soviétique, on ne communique pas sur les problèmes survenus même quand ce sont des sous-marins nucléaires qui sombrent corps et biens. Des associations anti-nucléaires ont essayé de recencer les cas d'accidents depuis les années 50, le total fait froid dans le dos.
 
CanadaAtomicSymbol-20--20Copy.jpgToutes ces menaces nouvelles poussent les responsables politiques à envisager de rationaliser le nucléaire militaire.  De nombreux pays appelent à l'interdiction de ce type d'armement et cherchent à établir des zones sanctuaires où l'on ne construit ni ne stocke plus de bombes. L'exemple vient d'un premier accord passé en 1958 entre toutes les grandes puissances pour protéger le pôle Sud: l
e Traité sur l'Antarctique. Etablissant cet espace comme un sanctuaire préservé des appétits commerciaux et guerriers et comme un patrimoine commun de l'Humanité, Etats-Unis et Union Soviétique ainsi que leurs alliés se mettent d'accord pour ne pas militariser cette zone.

C'est aussi la raison qui pousse les puissances nucléaires à abandonner les essais aériens dont on mesure enfin la dangerosité radioactive pour leur préférer des essais souterrains plus sûrs (et plus discrets).

Dans la foulée, des pays du Sud s'associent pour renoncer officiellement au nucléaire militaire. C'est en 1967
le Traité de Tlateloco qui fait de l'Amérique Latine et des Antilles une zone non nucléarisée. (Même si le Brésil et l'Argentine ne le signeront que dans les années 90). Un modèle qui sera repris plus tard en Océanie (1985), en Asie du Sud Est (1995), Afrique (1996)...

NWFZ_Map_small.gif

                         Les différentes régions dénucléarisées (cliquer pour agrandir)

Cette volonté aboutit en 1968 a un texte fondamental rédigé sous l'égide de l'ONU et de l'AIEA : le
Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires (TNP). Les puissances possédant déjà l'arme nucléaire s'engagent à garder secrète cette technologie et les états qui n'ont pas la bombe atomique renoncent à la développer. Ce traité reçoit la signature de 188 pays et emporte l'adhésion de la plupart des nations du monde, inquiètes de la prolifération nucléaire. Même si la France, la Chine, l'Inde, le Pakistan ou Israël qui continuent à développer leurs programmes refusent dans un premier temps de le parapher. En fait la plupart de ces pays en dehors d'Israël qui l'a toujours dénoncé, le signeront... une fois leur programme nucléaire terminé. C'est ainsi que la France ne l'acceptera officiellement qu'en 1992.

Il y a toutefois une volonté réelle de faire retomber la menace. La Suède et le Canada en profitent pour abandonner officiellement leur programme nucléaire. C'est l'AIEA qui est chargée de surveiller le bon respect de ce traité de par le monde, donnant à l'ONU un vrai rôle de contrôle sur les affaires nucléaires de la planète. Mais un rôle que l'AIEA, ne pouvant sanctionner ceux qui refusent de se soumettre à sa surveillance, aura souvent du mal à remplir tant ses pouvoirs sont limités.

img3bC'est ainsi qu'en 1974, l'Inde parvient à faire son premier essai nucléaire grace à des technologies achetées au Canada, mais aussi en France et aux Etats-Unis, aussitôt le Pakistan avec l'aide discrète de la Chine intensifie ses recherches pour obtenir à son tour l'arme nucléaire.

Avec la réduction des tensions entre les deux superpuissances et la volonté de mieux contrôler la prolifération nucléaire, la possibilité de réguler l'arsenal de missiles qui peut anéantir la planète semble désormais possible. D'autant qu'avec l'inflation budgétaire des programmes nuclaires,  la course aux armements coûte de plus en plus cher. Dans les années 70, on envisage donc un désarmement des grandes puissances. Celles-ci s'engagent par des traités à ne pas installer de missiles sous la mer, dans l'espace ou sur la Lune et surtout commencent à négocier leur limitation.

En 1972, après quatre années de pourparlers, a lieu la signature à Moscou des accords SALT 1: Stategic Arms Limitations Talks. Pour la première fois, Américains et Soviétiques dont les relations se sont améliorées acceptent de limiter leur arsenal ballistique. C'est encore un accord prudent qui n'envisage que le gel de l'installation de nouveaux missiles. Mais cette première, est vécue dans le monde entier comme la promesse de voir s'éloigner l'épée de Damoclès de la menace nuclaire qui pèse sur l'Humanité. Dans la réalité c'est surtout un accord symbolique qui limite le nombre de missiles mais qui n'interdit pas de remplacer les plus anciens par des modèles récents plus efficaces.


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                         Les accords SALT I signés par les présidents Nixon et Brejnev

C'est une première étape, car de nouveaux pourparlers s'engagent et aboutissent aux accords SALT 2 en 1979 où cette fois-ci non seulement on limite le nombre de bombardiers et de missiles mais on envisage même de détruire ceux en surnombre. Mais ces accords arrivent aussi la fin de la détente et ne seront jamais appliqués. En effet, la donne internationale à changé avec
l'entrée des Soviétiques en Afghanistan et les relations entre les deux grands se sont durcies.

 

 

C'est désormais le retour à l'escalade nucléaire, ce que l'on appelera la guerre fraîche qui menera à la chute du système soviétique. Ce que nous verrons dans la prochaine partie de cette étude.

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commentaires

A
Merci pour tous ces partages très élaborés et "bon vent"
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