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21 mai 2009 4 21 /05 /mai /2009 00:00

Le retour au pouvoir du général de Gaulle en mai 1958 se fait dans des conditions très particulières. Avec, à Alger, le coup de force des généraux et des ultras de l'Algérie française,  tout le monde craint un coup d'état militaire sur la capitale. Lorsque le général de Gaulle annonce qu'il se tient prêt à prendre les rênes du pouvoir en ces temps de crise, le héros de la libération semble être le recours idéal pour calmer l'armée en colère. Le président de la République, René Coty, fait donc appel au  "plus illustre des Français" pour resoudre le problème, mais de Gaulle pose ses conditions : il veut modifier la constitution.

Désigné Président du Conseil de la IVème République le 1er juin par Coty,   de Gaulle va aussi être le dernier à cette fonction et enterrer ce régime trop parlementaire et innefficace à son goût.  En effet, il charge un de ses fidèles, le juriste Michel Debré, d’élaborer  une nouvelle constitution qui donnerait la primauté à l'éxecutif comme le général l'avait édicté dans son  discours de Bayeux de 1946. C'est la Vème république du 4 octobre 1958, qui va être ratifiée le 28 septembre par les Français en referendum. Un succés massif avec un oui à 79 %.


Cette constitution va devenir notre système politique. Relativement souple mais parfois peu claire sur certains points, elle va être l'objet de nombreuses interprétations par les Présidents successifs et sera régulièrement retouchée  avec le temps et connaîtra donc de nombreuses révisions ( 16 depuis 1958) dont la dernière en date a eu lieu en 2008 et à (entre autre) limité le mandat présidentiel à 2 fois.

Cette constitution nouvelle met en place en France un régime semi-présidentiel : la puissance de l'Assemblée Nationale reste importante mais est contrôlée. Elle ne siège plus de façon permanente, ne décide plus de son ordre du jour et surtout doit partager l'initiative des lois avec le gouvernement. Sa capacité de motion de censure est considérablement compliquée pour limiter les mises en cause du gouvernement. Elle doit se faire à la majorité absolue des députés soit un minimum de 288 voix exprimées, ce qui n'est pas si évident que cela à établir compte tenu de l'absentéisme important des députés qui se relayent à la chambre (alors que dans la quatrième il suffisait de la majorité des présents, soit parfois moins d'une vingtaine de députés).

Néanmoins l'Assemblée demeure puissante et peut bloquer toutes les décisions du gouvernement. C'est ce qui explique que lorsqu'un président se retrouve face à des députés de l'opposition très majoritaires à la Chambre, il soit parfois obligé de prendre un Premier Ministre qui ne soit pas de son camp politique. C'est ce qu'on appelle la cohabitation qui n'était initialement pas prévue par la constitution. (photo : Michel Debré présente la nouvelle constitution à la presse)

Elle doit aussi compter avec une deuxième assemblée : le Sénat, héritier du Conseil de la République, qui bien que toujours élue de façon indirecte n'est plus consultative mais a cette fois-ci un vrai droit de décision sur l'élaboration de la loi.

Mais c'est surtout le Chef de l'Etat qui se voit doté de pouvoirs et de prérogatives étendues. D'abord élu par un collége de 70 000 grands electeurs (maires/conseillers généraux/députés/sénateurs), le Président est à partir de 1962, élu directement par le peuple. Un ajout fondamental, qui se fait par réferendum à la grande fureur des députés non gaullistes qui voient là une menace potentielle de pouvoir personnel quasi dictatorial, en effet, cette légitimité du peuple souverain ( ce qu'on surnomme "l'onction du suffrage universel" en référence à l'huile sainte qui lors du sacre des rois à la cathédrale de Reims conférait au monarque le pouvoir absolu issu de Dieu) donne au Président la garantie de son pouvoir qui ne peut-être remis en cause que par les urnes.

Il est élu  pour un septennat (7 ans) puis, depuis 2001, un quinquénnat (5 ans) desormais renouvelable une seule fois (2008)
Affiche pour le référendum de 1962


Il est toujours le chef des armées (art 15), garant de la paix, de la guerre et de l'usage de l'arme atomique à partir de 1960.

Il nomme le premier ministre, et sur proposition de celui-ci, les ministres. Il peut quand il le désire mettre de même  fin à leurs fonctions sur proposition du Premier Ministre (ce qu'on appelle un remaniement ministériel). Ceux-ci se réunissent à l'Elysée pour le conseil des ministres (art 9) généralement le mercredi matin. Le rôle du Premier Ministre (et non plus Président du Conseil comme avant car il ne peut y avoir dans l'optique de de Gaulle qu'un seul président) est donc clairement de mettre en application la politique du Président.

le Président nomme ambassadeurs, préfets, chefs d'états majors (art 13-14 -15) et une kyrielle d'emplois publics dans des secteurs allant de la culture (patron de France Télévision depuis peu) aux grandes entreprises publiques.

Face au parlement il a de nombreux pouvoirs qui passent généralement par l'intermédiaire du Premier Ministre. Il peut dissoudre l'Assemblée Nationale (art 12).  Il peut avoir recours au référendum c'est à dire poser directement une question par oui ou non aux Français, (art. 11). Le Premier Ministre, lui, peut passer en force une loi grace à l'article 49.3 qui autorise celui-ci à faire adopter une loi sans vote, les députés devant faire alors une motion de censure contre le gouvernement (à n'utiliser que lorsque vous êtes sûr d'avoir une majorité solide à la Chambre).

En justice, il posséde un droit de grâce (il dispense un prisonnier de sa peine) et d'amnistie (il supprime la condamnation) (art.17). Cette grâce était capitale (c'était le cas de le dire) jusqu'en 1981 puisque la peine de mort par guillotine existait et que le président était le dernier recours du condamné. De même, traditionnellement, des grâces collectives étaient prononcées lors de l'élection du président et au 14 juillet pour commémorer la destruction de la prison de la Bastille. Une habitude supprimée par le Président Sarkozy dans la réforme de 2008. De plus le président dispose d'une immunité judiciaire pendant son mandat et est déclaré irresponsable pendant celui-ci, c'est à dire qu'on ne peut pas le traîner devant les tribunaux après son mandat pour ses actions effectuées pendant qu'il était Président.


De plus en cas de crise grave, le président peut prendre provisoirement les pleins pouvoirs (art 16). Le problème étant que ce terme crise grave n'a jamais été clairement défini. Procédure excdeptionnelle ela ne sera utilisé qu'une seule fois en 1961 lorsque le général de Gaulle devra faire face à une rebellion de son état-major en Algérie, le "putsch des généraux".

                                          Les 6 présidents de la Vème

Même si ce n'est pas écrit dans la constitution, l'usage veut que la défense et les affaires étrangères soient du ressort du président. C'est son "domaine réservé". Une habitude qui vient du Général de Gaulle pour qui ces deux questions étaient fondamentales. Il y eut bien quelques frictions avec le Premier Ministre lors des périodes de cohabitation mais dans l'ensemble cette habitude est restée jusqu'à nos jours. Notre Président est l'un des Chef d'Etat qui au final a le plus de pouvoir parmi les régimes démocratiques.

 

Enfin apparait un nouvel organe consultatif, le Conseil Constitutionnel composé des anciens Présidents de la République ainsi que de 9 "sages" nommés conjointement par le Président, le Président de l'Assemblée et celui du Sénat. C'est un organe de surveillance de la conformité des lois par rapport à la Constitution. Il est consultatif mais son avis est généralement respecté. 

On le voit la Vème république est un régime parlementaire mais où la place du Président est prépondérente. On parle parfois de "Monarchie républicaine" pour désigner cette tendance très nette à la personnalisation du pouvoir. Un modèle contesté mais qui tient toujours après 50 ans d'usage...

Pour compléter :

Le texte actuel de la Constitution telle qu'elle est en vigueur depuis les dernières reformes constitutionnelles de 2008 


L
e discours qui présente au français cette constitution nouvelle

Un dossier du site d'Etienne Augris sur la Vème République qui revient, entre autre, sur les articles les plus controversés de la constitution et sur la reforme de 2008.


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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 23:02

Bon, suite au planning extrêmement chargé de cette fin d'année où il faut terminer le programme au pas de course couplé à des soucis informatiques, j'ai pris quelques retards sur le blog. Alors fêtons mai... en juin.

  Retrouvez le dossier commun autour d'une année 68 pour approfondir cette étude...


Parmi les grandes villes françaises, Grenoble a aussi réagi lors de mai 68. En apparence, la ville est encore sous l’effet des Jeux Olympiques qui l’ont grisée au mois de février. De plus c’est une des rares villes de France à avoir à l’époque un campus « à l’américaine », excentré à St Martin D’Hères loin du centre-ville. La ville est considérée comme un bastion de gauche, un laboratoire social. En 1961, le premier planning familial s’est constitué et fournit dans l’illégalité des médicaments contraceptifs aux femmes qui s’y présentent. Sous l’impulsion de la municipalité d’Hubert Dubedout qui veut faire de la ville une pionnière de la participation des citoyens à la vie de la cité, des comités d’actions sociales se sont créés dans certaines usines pour que les ouvriers puissent participer à la direction des entreprises.

 

La ville apparaît donc comme calme, pourtant dès mars, des troubles ont commencé à apparaître sur le campus. Les étudiants protestent contre des règlements intérieurs contraignants qui limitent l’accès aux résidences universitaires et surtout établissent des barrières distinctes entre les dortoirs pour filles et ceux pour garçons.

 

Mais tout cela participe du mouvement de contestation générale de la société conservatrice gaullienne qui commence à gagner le pays. Comme dans beaucoup de villes de province, ce sont les événements parisiens qui mettent le feu aux poudres. Le 6 mai une première manifestation éclate en ville pour soutenir les étudiants parisiens en grève. Une petite répétition qui ne regroupe qu’un millier d’étudiants mais qui se heurte violemment à la police. Les jours qui suivent, le campus s’embrase, les gaz lacrymogènes pleuvent et les étudiants se protégent le visage…avec des serviettes hygiéniques. Le mouvement gagne en ampleur les jours suivants. Les slogans reprennent ceux de la capitale : "Libérez nos camarades", "Adieu Charlot" (en référence au président Charles de Gaulle), "Le pouvoir aux travailleurs". A partir du 11, les facs, à commencer par celle de droit, rejoignent le mouvement.

 

Les étudiants qui se réunissent place Victor Hugo ou à la fac se politisent mais réclament aussi de meilleures conditions de vie. Davantage de bourses, de logements étudiants, moins de précarité dans leurs conditions de vie. Les groupuscules trotskystes menés par Pierre Broué professeur à l’Institut des Etudes Politiques veulent donner une vraie couleur révolutionnaire au mouvement. Mais les revendications restent floues, on veut certes changer la société mais pour la plupart c’est plus l’enthousiasme de l’action et de la revendication qui prime que la véritable ambition d’une Révolution sur le modèle chinois.

 

Le campus de Grenoble est le lieu de nombreuses rumeurs, on en parle comme d’un nid de maoïstes, on évoque même la présence d’Alain Geismar, l’un des leaders des manifestations parisiennes, à la fac de St Martin d’ Hères. Cela va donner pendant longtemps à l’université une solide réputation de repère de militants radicaux qui va lui coller à la peau pendant toutes les années 70.

 

Contrairement à ce qui se passe à Paris, les principaux dirigeants syndicaux et le parti communiste local se déclarent immédiatement solidaires du mouvement et rejoignent dès lors les étudiants. 10 à 15000 personnes manifestent le 13 mai (30 000 selon les organisateurs), la ville est paralysée et rapidement les magasins commencent à souffrir de pénurie. Les ouvriers bloquent les usines, les transports, les approvisionnements. On compte 120000 grévistes dans toute l’Isère

 

 

Faute d’approvisionnement, l’essence manque (même si Grenoble avait conservé des stocks importants des Jeux Olympiques), les magasins ne sont plus pourvus. Dans les vallées autour de Grenoble, de plus en plus difficilement approvisionnées, l’inquiétude augmente et beaucoup croient à l’imminence de la guerre civile. Pourtant comme dans le reste de la France la contestation n’aboutit pas. Entre les étudiants exaltés et idéalistes et les ouvriers qui ont des revendications salariales plus terre à terre le courant ne passe pas très bien, ce qui explique que le mouvement va faire long feu. Malgré des réunions enflammées à la Maison de la Culture, la contestation peine à s’organiser véritablement.


Pierre Mendès-France, député de Grenoble, grande figure de la gauche socialiste modérée et ancien président du conseil de la IVème république est à Paris pour soutenir le mouvement national. Charismatique, il pourrait apparaître comme un recours capable de fédérer les contestataires mais ne veut pas prendre la tête d’un mouvement révolutionnaire qui l’inquiète. Cette attitude modérée lui coutera son siège lors des élections législatives qui suivront la dissolution de l'assemblée décidée par de Gaulle après mai 68.

 


Pierre Mendès-France, député de Grenoble qui
pour respecter l'ordre républicain, renonça

à l'idée de s'allier à des manifestations révolutionnaires.

 


Avec l’épuisement du mouvement, les gaullistes contre-attaquent.
Distribution de tracts, mobilisation au sein du parti, il s’agit de montrer que le gouvernement garde le soutien de la majorité des français. A la fin du mois, alors que de Gaulle annonce son refus de démissionner et sa volonté de restaurer l’autorité de l’Etat, les partisans du général s’organisent : le 1er juin, 13 000 partisans du Général se rassemblent à Grenoble en écho à la grande manifestation parisienne qui réunit un million de personnes venues soutenir de Gaulle sur les Champs Elysées.

La fête est finie, les syndicats, qui ont obtenu des améliorations importantes de salaire lors des accords de Grenelle négociés à Paris, appellent à cesser la lutte. Les occupations d’usines se lèvent début juin tandis que les étudiants inquiets pour leurs examens qui se profilent retournent dans le campus. Grenoble comme l’ensemble du pays, retrouve son calme habituel. Celle-ci, comme beaucoup de villes semble reproduire à son échelle ce qui s'est passé à Paris. Il est à noter que la capitale des Alpes qui depuis la Révolution Française a un long passé de révolte contre le pouvoir va devenir un lieu où les manifestations, notamment étudiantes, seront toujours plus dures et radicales que dans d'autres villes. Le souvenir des grèves lycéennes de 2006 ou celles plus actuelles de ces derniers mois où les heurts avec les forces de l'ordre ont fait des blessés, le montre encore , les révoltes populaires y sont souvent plus dures, voir plus violentes qu'ailleurs.

La ville en juin 68 comme toute la France n’aura pas changé en apparence. Mai 68, en ayant permis à la jeunesse de se révolter contre un ordre devenu pesant, va marquer les esprits et accélérer l'évolution des moeurs et de la société dans les années 70. Majorité à 18 ans, contraception, avortement, liberté des médias, volonté de rompre avec le train-train de la société industrielle, l’influence de cette contestation se prolongera tout au long des années qui suivront...
 
Source :le Dauphiné libéré/le Petit Bulletin/Merci à Carol Trichet pour ses souvenirs.
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13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 23:32

Alors que tout le monde se focalise sur l’anniversaire de mai 68, il ne faudrait quand même pas oublier qu’on célèbre aussi en ce moment des événements autrement importants. Le cinquantenaire de la Vème République. On peut être étonné de l’absence d’écho politique ou médiatique autour d’une date pourtant majeure de l’histoire contemporaine. Il faut espérer qu'en septembre, naissance "officielle" de la Vème avec le référendum pour son acceptation par les français, on daignera la féter un peu. Mais bon, le gouvernement actuel est plus occupé à liquider l’héritage gaulliste (indépendance diplomatique et militaire de la France, contrôle fort de l’état sur l’économie, constitution de services publics puissants) qu’à s’en réclamer quand à l’opposition, elle s’est prise d’une passion nouvelle pour la IVème république et son modèle parlementaire après avoir goûté pendant l’ère Mitterrand aux délices d’un pouvoir présidentiel fort.


La presentation de la Vème république à Paris en septembre 58

Il faut aussi bien voir que la Vème République est née dans des conditions très particulières. En effet l’arrivée de de Gaulle au pouvoir se fait dans une atmosphère insurrectionnelle de coup d’état militaire. Un coup d’état où le Général a joué un rôle encore mal éclairci…

Depuis 4 ans la guerre d’Algérie (pardon, les opérations de maintien de l’ordre en Algérie, selon la terminologie officielle de l’époque) empoisonne la quatrième République. De nombreux gouvernements ont été mis en minorité autour de cette question et la population européenne d’Algérie est de plus en plus remontée contre un régime qu’elle soupçonne de vouloir négocier avec les indépendantistes algériens, un vrai sacrilège pour la plupart des pieds noirs.

Les appelés du contingent, c'est-à-dire les jeunes de 18 ans qui font leur service militaire ont été envoyés sur place et doivent faire face en ville à des vagues d'attentats à la bombe et à dans le djebel à de véritables combats meurtriers contre les "fellagahs", les combattants indépendantistes.

En mai 1958, Pierre Pflimlin, député MRP (chrétien-démocrate) de Strasbourg, est pressenti par le président de la République Réné Coty pour la présidence du Conseil. Rappelons qu’à cette époque le président de la République n’a quasiment aucun pouvoir politique et que c’est le président du Conseil (des ministres), c'est-à-dire l’équivalent du Premier Ministre actuel qui dirige l’exécutif et est le vrai patron de la politique gouvernementale. Mais Pflimlin, soupçonné de vouloir négocier un cessez-le-feu avec les rebelles du Front de Libération Nationale est détesté par les pieds noirs les plus revendicatifs, ceux qu’on appelle déjà les "Ultras" de l’Algérie Française.

 

Le 13 mai alors que Pflimlin est investi à Paris, se déroule à Alger une cérémonie en hommage à trois jeunes soldats capturés et exécutés par les rebelles, autour du monument aux morts des Glières, réunissant une foule immense, mêlant pieds noirs et musulmans. Les esprits s’échauffent, des cris fusent. "Algérie Française ! ", " Pflimlin à la mer", "L'Armée au pouvoir". Très vite les manifestants sous la conduite d’une figure charismatique chez les Ultras, Pierre Lagaillarde, brisent les grilles du gouvernement général d’Alger et mettent à sac les lieux. Ils font alliance avec les militaires présents sur place et notamment les officiers parachutistes à qui le gouvernement avait donné carte blanche pour écraser la rébellion indépendantiste, quelqu’en soient les moyens. Un gouvernement de salut public est crée sous la direction du général Jacques Massu, commandant militaire d’Alger et du général Raoul Salan, chef de l’armée en Algérie.

 

 

A Paris c’est l’affolement, l’Algérie vient de vivre un véritable putsch. Malgré des propos fermes, Pflimlin ne convainc personne. Si l’armée suit massivement les putschistes, c’est carrément un coup d’état militaire qui pourrait balayer la République. Voire peut-être même une guerre civile qui se prépare. Dès le 24 mai des troupes aéroportées venues d'Algérie débarquent en Corse et s’emparent des principales mairies sans effusion de sang. Une rumeur enfle, on commence à parler de l’Opération Résurrection : un raid parachutiste sur Paris pour s’emparer des lieux clefs de la capitale. Un homme apparaît alors comme un recours capable de calmer les esprits. Le général de Gaulle.

 

L’unificateur de la Résistance, chef du Gouvernement Provisoire de la République Française à la libération connaît depuis 1946 une traversée du désert. Il a démissionné du poste de président du conseil le 20 janvier 1946, faute d’avoir pu faire voter aux français la constitution dont il rêvait. Celle qui donnerait la prééminence du pouvoir au chef de l’exécutif. La IVème République a été tout le contraire : le règne de l’Assemblée Nationale. Par le jeu des alliances électorales, son parti, le "Rassemblement du Peuple Français", bien que dépassant 20% des suffrages n’est jamais arrivé au pouvoir (tout comme les communistes de l’autre côté du spectre politique). Il s’est retiré dans sa propriété de Colombey-Les-Deux-Eglises en Haute Marne.


Mais ses amis et ses fidèles sont encore très actifs. Ils ont constitué des réseaux influents qui militent depuis le début de la guerre d’Algérie pour le retour du général considéré comme le seul capable de garder l’Algérie française de part son prestige et son statut de militaire. Le 10 mai 58, un éditorial de l’influent journal "l’écho d’Alger" titre
«Je vous en conjure, parlez, parlez vite, mon général...»

 

 

On retrouve d’ailleurs certains de ces gaullistes autour du comité de salut public d’Alger. Massu, ancien résistant,  a toujours proclamé sa fidélité à de Gaulle. Lucien Neuwirth et Léon Delbecque, représentants du général en Algérie, sont présents aux côtés du comité de Salut Public d’ Alger et jouent un rôle aussi discret que capital. Alors que les Ultras sont partisans de radicaliser la révolte, ils préférent à s’appuyer sur les généraux,  qui eux hésitent à rentrer dans une rébellion ouverte face au gouvernement. Le 15 mai Delbecque convainc le général Salan qui s’adresse aux algérois (les habitants d'Alger) depuis le balcon du gouvernement général d’Alger, de terminer son allocution par un «Vive la France, vive l'Algérie française, vive le général de Gaulle !».

 

Le 19 mai, de Gaulle convoque les journalistes pour annoncer qu’il se tient prêt à assumer les pouvoirs de la République. A un journaliste qui s’inquiète de la tournure des événements, il répond « Ai-je jamais attenté aux libertés publiques ? Je les ai rétablies ! Pourquoi voulez-vous qu’à soixante-sept ans, je commence une carrière de dictateur ? ».

 

Il engage des pourparlers avec le président de la République René Coty pour devenir président du Conseil. Mais il y met des conditions : il faudra changer la constitution. Alors que la Corse rallie le putsch et que la rumeur d’une intervention armée sur Paris enfle, de Gaulle négocie son arrivée au pouvoir. La gauche, persuadée que de Gaulle est en train de rééditer une prise de pouvoir comparable à celle de Pétain en 1940 tente d’empêcher l’arrivée du général par une grande manifestation qui reste sans effet.

Caricature de Jean Effel, dessinateur proche du parti communiste présentant le "mariage" de de Gaulle et de Marianne sous la conduite de Massu, entouré par Felix Gaillard et Guy Mollet, leaders des partis du centre, ralliés à la solution gaulliste.

Le 1er juin, de Gaulle est investi par René Coty comme président du conseil. Ce sera le dernier de la quatrième République. Il charge un de ses fidèles, Michel Debré de rédiger une constitution sur mesure qui lui permettra enfin d’exercer le pouvoir exécutif fort qu’il souhaite pour sortir la France de la crise. Puis il se rend le 4 juin en Algérie pour rencontrer les membres du Comité de Salut Public. Restant volontairement flou sur les solutions pour régler la question algérienne, il reçoit le ralliement des militaires. Le Comité de salut Public s’éteindra progressivement, Salan et Massu reprenant leur rôle de commandants en chef de l’armée en Algérie. De Gaulle termine sa visite par un retentissant « Je vous ai compris ! » interprété par les pieds noirs comme la promesse du maintien de l’Algérie Française. En fait le général, qui ne sait pas encore vraiment comment régler ce conflit, s’est contenté de calmer le jeu et de permettre le retour à l’ordre.


De Gaulle à Alger, avec à droite Salan et derrière eux Massu en uniforme de para. Juste derrière Salan, en costume, Leon Delbecque.

En septembre, la nouvelle constitution qui assure la prééminence du pouvoir présidentiel est adoptée en référendum. Dans la foulée, de Gaulle se fait élire en décembre, premier président de la Vème république.

 

La Vème république est donc née dans une atmosphère étrange. Pour beaucoup d’historiens, la prise de pouvoir du Général a été une sorte de « coup d’état démocratique », celui-ci profitant des événements pour s’emparer du pouvoir. Reste une question encore débattue par les historiens. Jusqu’à quel point les gaullistes ont-ils encouragé le putsch pour permettre à leur chef de reprendre le pouvoir. Le ralliement rapide de la Corse (où les gaullistes étaient très bien implantés) et le climat de peur qui régnait à Paris alors que de Gaulle négociait avec Coty sont ils de simples coïncidences ? De Gaulle lui-même a-t-il donné des ordres à Delbecque et Neuwirth pour influencer le comité de Salut Public ou, comme à son habitude, a-t-il simplement laissé faire ses partisans sans se salir personnellement les mains. Autant de questions qui restent encore débattues mais qui peuvent aussi expliquer pourquoi le cinquantenaire de la naissance de cette Vème république se fait dans une telle discrétion…


Pour compléter Mr Augris propose aussi un petit article sur l'évenement avec le renvoi aux vidéos de l'INA (ce qui m'evite d'avoir à le faire ce que j'avais initialement prévu...)

Sources : Mémoires de Jean Lacouture - Histoire Secrete de la Vème République sous la direction de Roger Faligot et Jean Cuisnel - Vie Publique.fr - Herodote.net - CRDP-Reims- Boomer-café

 


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23 mars 2008 7 23 /03 /mars /2008 22:04

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Nous célébrons cette année les 40 ans d'une année qui fut extrémement riche d'un point de vue historique. Les événements de mai 68, notamment, donnent lieu en ce moment à tout un tas de souvenirs, mais aussi de polémiques.

Avec mes collègues du blog "Lire-écouter-voir", MM Augris, Blottière et Diedrich, nous nous sommes lancés dans une plongée dans cette année devenue mythique en France mais aussi dans le monde entier.

Redécouvrez les événements déclencheurs du 22 mars dans l'université de Nanterre. l'ébullition dans le milieu du cinéma qui fit s'arréter le festival de Cannes.

De façon plus générale: Mr Augris a mis en place une page spéciale sur cette année 68 qui permet de faire le point sur tous les événements de cette année très riche:

L'année 68 en France et dans le monde

Et puis retrouvez l'ambiance de folie des grands concerts mythiques des années 60 avec Woodstock.

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23 février 2008 6 23 /02 /février /2008 18:48
jo040-8pjam.jpgAlors que des cohortes de vacanciers remontent en ce moment la vallée de la Romanche en direction des stations de l’Oisans, il convient de se souvenir que pour la plupart des français, notre région est devenue synonyme de vacances aux sports d’hiver lors des jeux olympiques de 1968 dont on fête en ce moment en grande pompe le quarantenaire.
 
Ce n’est donc pas un hasard si Grenoble vient, il y a une semaine, d’inaugurer son pharaonique et controversé stade des Alpes. C’est le rappel des ambitions de la 12ème agglomération de France qui, après avoir célébré en grande pompe les quarante ans de l’ouverture des jeux grâce à l’allumage d’une nouvelle flamme olympique et  à un feu d’artifice géant entend bien redevenir capitale olympique en 2018.
 
Les jeux de 1968 furent l’occasion pour Grenoble de revendiquer son statut de capitale des Alpes et surtout de s’affirmer comme une véritable métropole régionale face à l’écrasant géant lyonnais. Pour notre région ce sera aussi le début de la démocratisation des sports d’hiver qui va permettre l’essor de l’Alpe d’Huez, de Chamrousse ou des Deux Alpes. Dans le même temps, pour la France gaullienne, ces jeux sont une vitrine de la modernité du pays qui profite du boum économique des trente glorieuses.1968wvasque.jpg
 
Cela faisait longtemps qu’on attendait le retour des jeux en France. Les derniers jeux olympiques d’hiver chez nous dataient de 1924 à Chamonix. Le choix de Grenoble et de l’Isère ne furent pas si évident que cela car en fait, à l'époque, les infrastructures faisaient défaut. Nous sommes d’abord dans une région industrielle et même dans la vallée de l’Oisans les activités principales tournent autour de l’hydroélectricité, de la pâte à papier et de l’agriculture pastorale. Le tourisme d’hiver est encore peu développé et s’adresse essentiellement à un public local. Dans les années 60, le ski est encore une activité réservée à une clientèle aisée qui se porte plutôt traditionnellement vers la Savoie voisine.
 
La ville à l’initiative de son maire de l’époque Albert Michallon a été sélectionnée en 1964 pour devenir le siège des Xème jeux d’hiver. On a donc 4 ans pour faire de la cité une ville capable d’accueillir l’événement. Il faut bâtir autoroutes et infrastructures, alors toute la banlieue Sud de la ville, qui était jusqu’alors une zone industrielle et un aérodrome va être urbanisée au pas de course pour l’occasion.
 


Et on voit grand. Et très moche car on construit dans le style typique des grands ensembles en béton très en vogue dans les années 60. L hôtel de ville de style stalinien du parc Paul Mistral, Alpexpo, la Maison de la Culture (devenu depuis le MC2, après une longue rénovation) et le Village Olympique censé accueillir les athlètes du monde entier. Au passage on crée à Saint Martin d’Hères le premier campus universitaire de France sur le modèle américain en regroupant toutes les facs jusqu’alors éparpillées en ville.

 

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L'entrée Ouest de Grenoble depuis le Pont de Catane, rebâti pour l'occasion.

 
La ville va se moderniser très vite, même si certaines de ces infrastructures faites à la va-vite, dont le Village Olympique vont mal vieillir et se transformer rapidement après les jeux en un quartier HLM parmi les plus décrépis de Grenoble.
 
Evidemment, encaissée à une altitude 200 mètres au fond de sa vallée, la ville ne peut organiser une bonne partie des épreuves. Elle se garde la glace : patinages et hockey. Les stations locales en profitent largement : le ski alpin a lieu sur le massif de Belledonne à la station de Chamrousse, les disciplines de fond sur le plateau du Vercors, à Autrans, le saut à skis à Saint Nizier, le bobsleigh à l'Alpe d'Huez, et la luge à Villars de Lans.
 
La cérémonie d’ouverture se veut monumentale et moderne. Elle marque bien l’évolution technique et économique de la France dans les années 60 .C’est le président en personne, le général De Gaulle,  qui vient inaugurer les jeux dans le parc Paul Mistral. Ceux -ci sont pour la première fois retransmis en couleur à la télévision en mondovision. Le patineur Alain Calmat grimpe le long d’un gigantesque escalier pour porter la flamme vers la vasque olympique. Les battements de son cœur sont retransmis par haut-parleurs. Puis le parc est noyé sous une pluie de pétales de roses lancés par hélicoptère.
 

Les Jeux Olympiques de Grenoble 1968
Une vidéo commémorative de la municipalité de Grenoble 

Les jeux provoquent un véritable engouement auprès du public français qui peut les voir en couleur à la télé, d’autant que les athlètes français, pour une fois, brillent devant leur public. La France se classe 3ème après la Norvège et l’URSS avec 4 médailles d’or et 9 au total. (Il y a beaucoup moins d’épreuves que de nos jours). Un homme devient l’idole nouvelle du sport français : Jean-Claude Killy qui rafle 3 médailles d’or dans les épreuves de ski alpin.
 

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Jean-Claude Killy, la vedette de ces jeux.



Pour l’anecdote, ces jeux sont aussi marqués par la disqualification de trois patineuses Est-allemandes qui avaient chauffé leurs patins pour aller plus vite et par l’introduction de test de féminité  pour détecter si les sportives ne s’injecteraient pas des hormones masculines pour améliorer leurs résultats. En effet une skieuse autrichienne est contrôlée positive. Et pour cause, celle-ci est en fait une transsexuelle qui deviendra définitivement un homme après la compétition et devra rendre ses médailles.

Grenoble cherche à l’heure actuelle à devenir la candidate française pour les JO d’hiver de 2018. C’est un enjeu électoral qui explique pourquoi la commémoration des Xème olympiades fut aussi importante. Elle s’est rapprochée de l’autre candidate dauphinoise, Gap (qui n’est pas en Provence mais bien historiquement en Dauphiné !) pour envisager une candidature commune et faire face à Annecy qui est partie la première dans la compétition. Pour l’instant les 3 villes se sont réunies pour déjà défendre l’idée d’une candidature française pour 2018. Car le principal obstacle reste Paris. En effet la capitale qui a été recalée pour les JO d’été en 2012 face à Londres et qui sait qu’une ville européenne ne sera dès lors pas prise en 2016, caresse l’espoir de se représenter en 2020. Le comité olympique français craignant que des J.O. d’hiver en France ne bloque la candidature parisienne risque de donner la priorité à celle-ci…


Sources : Dauphiné Libéré / Eurosport / Le site du mouvement olympique

Deux sites de passionnés des Jeux qui offrent une belle iconographie:  Un sur les jeux d'hiver  et un autre qui retrace les J.O. par les cartes postales

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