Un blog d'histoire-géographie pour voir le monde contemporain sous l'angle du bac et au delà...
Bienvenue sur le blog "spécial Terminales" de Richard Tribouilloy, professeur d'histoire-géographie au lycée Portes de l'Oisans à Vizille en
Isére. Il s'adresse bien entendu à mes classes de Terminales, mais s'il peut aussi vous rendre service, vous qui passez sur ces pages par hasard, et bien tant mieux et bonne visite...
Un travail réalisé par Pascal Knipiler et Jeremy Ferrand (TL)
Les années soixante américaines furent le théâtre de nombreux bouleversements tant au niveau politique que culturel. L’assassinat de John Fitzgerald Kennedy en 1963 marqua la fin de l’âge d’or américain et l’essor d’une contre-culture dont la contestation contre la guerre du Viêtnam fut le principal vecteur.
Cette guerre commença pour les Américains le 11 décembre 1961 avec une première intervention armée et se clôtura en 1973. Ce conflit opposa la république du Vietnam, soutenue par les Etats-Unis, à la république démocratique du Vietnam, soutenue par l’URSS et la Chine. La contestation fut d’emblée très forte car un moine bouddhiste s’immola en 1963 suivit par 4 jeunes américains en 1965. On distinguera trois temps forts du mouvement contestataire : le 20 novembre 1969 le New York Times révéla un massacre de civils vietnamiens perpétré par des GI dans le village de My Lai ; le 4 mai 1970 sur le campus de l’université de Kent 4 étudiants contestataires furent tués par la garde nationale qui fit également 9 blessés graves et le 3 mai 1971 une manifestation réunissant 500 000 personnes, dont beaucoup de jeunes étudiants, eut lieu à Washington.
La guerre du Vietnam fut particulièrement critiquée, elle était qualifiée par ses détracteurs, majoritairement étudiants, de «sale guerre», de «guerre impérialiste» qui opposait les plus forts, les Américains, contre les plus faibles, les Viêtnamiens. Les médias américains et plus particulièrement la télévision jouèrent un rôle important dans cette opinion. En effet, de nombreux journalistes ramenèrent des images d’enfants mutilés, d’exécutions sommaires, d’immolations, de civils tués… etc. Or ces images heurtèrent de plein fouet le patriotisme et la bonne morale étasunienne qui avait une pleine confiance dans son armée. L’Amérique ne fut jamais autant critiquée qu’à cette époque. Mais de la contestation estudiantine contre le Vietnam naquit une plus profonde division culturelle et intergénérationnelle au sein de la société américaine.
Ce mouvement de contre-culture est aussi un mouvement politique et activiste, nettement orienté à gauche. Ils prônent la désobéissance civile, la non-violence, la liberté de se droguer, d’afficher leur sexualité… Comme ils le disent eux-mêmes ils désirent abolir les frontières entre l’art, la politique, la culture et la vie. De plus ils revendiquent le droit de vivre en communautés autosuffisantes, et donc en dehors de la société de consommation qu’ils méprisent et rejettent avec force. A cette époque-ci apparaîssent également les premières revendications écologiques: le recyclage, les énergies renouvelables, l’agriculture biologique... Mais cette génération souhaite avant tout se débarrasser des valeurs et des comportements de leurs parents pour fonder une nouvelle société empreinte de liberté et loin des traditions. Les deux principaux vecteurs de cette contre-culture furent la musique et la drogue. La musique, qui pourrait symboliser à elle seule le renouveau culturel, s’engage fortement dans le mouvement avec des artistes comme Jimmy Hendrix, Janis Joplin, Jefferson Airplane ou Bob Dylan. Ces derniers affichent leurs idéaux politiques et se produisent dans de grands festivals comme Woodstock ou Monterey. La seconde moitié des années soixante vit aussi l’explosion de l’usage de drogues et notamment du LSD et des amphétamines. Ces deux vecteurs participèrent au fort pouvoir de séduction du mouvement hippie et toute une génération s’y convertit.
(Rajout du professeur: un film devint aussi le symbole de cet esprit de liberté et d'anticonformisme. Easy Rider de Dennis Hopper qui compte l'odyssée demotards marginaux dans l'Ouest américain...)
Il faut toutefois modérer l’impact de ce mouvement contestataire dont l’acteur Peter Coyote (membre des Diggers) nous livre une analyse lucide:«Nous n’avons pas mis fin au capitalisme, nous n’avons pas mis fin à l’impérialisme, nous n'avons pas fait disparaître le racisme. La chose seule dont nous ayons vu la fin, c’est la guerre [du Vietnam]. En revanche, sur le plan culturel, tout nos objectifs ont été atteints». En effet cette contre-culture bien qu’elle n’ait pas changé la société, nous a tout de même livré un héritage important. A commencer par la libération des moeurs et la liberté sexuelle, ainsi que la naissance d’un esprit critique au sein des jeunes générations et la prise de conscience d’un respect de la nature que bon nombre d’hommes politiques défendent aujourd’hui.
Quelques mouvements contestataires américains :
Free Speech Movement :créé en 1964 à San Francisco sur le campus de Berkeley, ce mouvement réclamait le droit de mener des activités politiques pour les étudiants. Il est un des précurseurs de la contestation étudiante.
Les Diggers : groupe d’acteurs d’improvisation qui proposa un activisme communautaire, en distribuant par exemple des repas gratuits.
Black Panther Party : créé en 1966 par deux militants noirs , il se proclame marxiste et révolutionnaire. De plus il défend les droits des noirs , lance des programmes d’assistance aux opprimés.
Un travail solide avec une bonne présentation générale du sujet. Les articles de Mr Blottière sur son blog, notamment sur l'influence de la musique comme moyen de remise en cause de l'ordre établi dans les années 60-70, sont toujours passionnants et je vous y renvoie pour plus de détails sur ce thème. De même sur le blog "Lire-entendre-voir" il vient de rédiger un excellent travail sur l'impact des événements historiques sur les pochettes d'albums célébres.
Cheap thrill de Big Brother du dessinateur Robert Crumb, qui célébra dans ses BD délirantes la drogue, l'anticonformisme et la liberté sexuelle revendiquée à cette époque.
S'il fallait résumer ces mouvements contestataires, un grand concert qui se déroule pendant 3 jours en août 1969 devient le symbole de cette rébellion de la jeunesse : Woodstock. 300 000 personnes viennent assister à ce qui restera comme le point d'orgue du mouvement "flower power" et de la contestation artistique et pacifique du modèle américain. Une vision en demeure le symbole, Jimmy Hendrix, guitariste d'exception métis noir et cherokee qui interpréte un hymne américain torturé et déchirant. Il finira son concert en mettant le feu à sa guitare.
Comme beaucoup d'autres musiciens de cette époque telle Janis Joplin, Hendrix brulera sa vie dans les psychotropes et mourra l'année suivante d'une overdose. Ces mouvements finirent par se désagréger à partir du milieu des années 70. Beaucoup rentrant dans le rang de la société de consommation, une fois la trentaine venue...
Cette contestation pris un tour parfois violent au début des années 70 avec l'émergence d'une extrème gauche dure se réclamant aussi de la lutte des noirs et multipliant les actions violentes tels les Weathermen dont le principal slogan était "Bring back the war home" (ramenez la guerre à la maison) où l'Armée de Libération Symbionaise qui enleva la fille d'un magnat de la presse, Patty Hearst. Celle-ci rejoint alors leur groupe et devint une activiste particulièrement violente. Même s'ils ne restèrent que des groupuscules et que leur impact réel demeura mineur, ils entrainérent la montée d'une inquiétude réelle de la part de l'opinion traditionnelle et furent l'objet d'une répression impitoyable de la part du FBI.