La junte birmane a repris les choses en main et par la force. Malgré la venue d’un émissaire de l’ONU pour négocier l’arrêt de la répression, les militaires ont écrasé les manifestations avec violence. Comme de bien entendu, les dirigeants prétendent qu’il n’y a eu qu’une dizaine de victimes tout au plus. Les manifestations ayant parfois été réprimées à balles réelles, ces chiffres paraissent plus que douteux. De même les généraux avouent du bout des lèvres un petit millier d’arrestations parmi les moines et les opposants, ce qui semble bien peu dans un pays de 54 millions d’habitants. En fait le régime militaire a repris le pays en main.
Le pouvoir a bien lâché un peu de lest en acceptant de discuter avec Aung San Suu Kyi, la principale opposante du régime que son prix Nobel de la paix à rendu très médiatique auprès des pays occidentaux (et donc difficilement neutralisable de façon discrète par les militaires). Mais il n’y a guère d’illusions à se faire : il y a peu de chances que les choses changent au Myanmar (nom officiel de la Birmanie).
Caricature canadienne illustrant dès 2006 le refus de la Russie, du Japon et de la Chine de sanctionner la junte birmane à l'ONU. (Pour la traduction... Eh oh ! Vous faites anglais non ?)
Cette crise met aussi en évidence les faiblesses de l’ONU (dont nous étudions la naissance avec les TL en ce moment). En effet le conseil de sécurité est très partagé. Les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne ont proposé un projet de résolution condamnant la junte et imposant des sanctions économiques sur le pays. Mais la Chine, allié traditionnel du gouvernement birman et la Russie qui lui vend beaucoup d’armes s’y opposent. La Chine notamment ne veut pas que l’occident saisisse l’occasion d’intervenir à ses frontières, les américains ayant facilement tendance à installer des bases militaires dans les pays qu’ils viennent aider…
Ils sont suivis en cela par la plupart des voisins de la Birmanie pour qui cette crise est une affaire intérieure qui ne regarde que le Myanmar. En effet les pays de l’ASEAN (Association des Nations d'Asie du Sud-Est) menés par l’Indonésie, présente parmi les membres non permanents au conseil de sécurité, considère que le respect de la souveraineté des pays doit rester la règle. Ces états, suivant en cela les chinois, craignent que cette crise soit un prétexte pour une intervention américaine dans la région. Mais contrairement à Pékin, pas tant pour des raisons politiques que pour des raisons économiques : ainsi la société pétrolière d’état malaise Petronas qui exploite largement le gaz naturel birman avec la bénédiction de la junte, qui touche de confortables commissions au passage, redoute de voir ses concurrents américains réclamer une part du gâteau gazier en cas de nouveau gouvernement… De plus la disparition d’un régime fort en Birmanie pourrait être l’occasion pour des peuples minoritaires vivants sur les frontières de se révolter (Shan, Karen Kachin, etc… plus de 40 % de la population totale de Birmanie), ce qui risquerait de réveiller des guérillas chez tous les voisins (Thaïlande, Laos, Chine) où vivent aussi ces différentes minorités.
Le représentant birman à l'ONU et à sa droite Ibrahim Gambari, émissaire spécial de l'ONU (photo AFP)
Quand à l’idée d’un embargo économique notamment sur le teck ou le santal, des bois précieux qui avec le gaz naturel sont les principales ressources du pays, elle n’enthousiasme personne car elle risque de ruiner encore plus le Myanmar et donc par contre coup, de renforcer le régime en place qui est le seul à avoir les moyens d’assurer la subsistance du pays. Surtout quand on sait que l’autre grande production du pays est l’opium et que si on coupe les revenus légaux de la Birmanie, les généraux qui sont déjà largement impliqués dans la culture du pavot n’hésiteront pas une seconde à accentuer le trafic de drogue depuis le Triangle d’Or.
L’ONU continue donc à sermonner les généraux birmans, mais tiraillée par les intérêts contradictoires de ses membres et par le veto de ses grandes puissances elle montre dans la réalité les limites de la diplomatie internationale…
La Birmanie :en rouge les régions à statuts spéciaux où se trouvent des minorités ethniques (source: ministère des affaires étrangères)