Pourquoi n'y a-t-il pas de véritable armée européenne?
Un travail de Laetitia Guillaud-Saumur
Dans les années 1950 la Communauté européenne de défense ou CED est un projet d'organisation qui prévoyait la création d'une armée européenne avec des institutions supranationales. Il est d'initiative française.
Origines:
En juin 1950 est déclarée la guerre de Corée qui fait ressentir à l'Europe occidentale qu'elle est vulnérable, surtout en Allemagne de l'Ouest. Elle envisage alors la création d'une armée pan-européenne.
L'idée est suggérée par Jean Monet. Elle consisterait en une armée européenne avec des contingents allemands, et ce moins de cinq ans après la deuxième guerre mondiale. Il n'y aurait plus d'armées nationales, seulement une armée un ministre européen de la Défense.
Après le conférence de Paris du 15 février 1951, l'idée d'un ministre unique pour le conseil des ministres européen est abandonnée. Il lui est préféré un conseil des ministres européen et le maintient de certaines armées nationales au sein de l'armée européenne est envisagé.
Des négociations s'engagent qui aboutissent le 27 mai 1952 à la signature du traité de Paris instituant la CED par les gouvernements français, Ouest-allemand, italien, néerlandais, belge et luxembourgeois.
Dans le cadre du commandement de l'OTAN (dont on voit ici le drapeau), le traité prévoit l'institution d'une Communauté de Défense, disposant d'un budget, d'un armement et d'un commandement communs. Elle dispose de certaines institutions:
- Un commissariat intégré qui joue le rôle de pouvoir exécutif, composé de 9 membres (2 français, 2 italiens, 2 allemands et 1 de chaque pays du Benelux);
- Le conseil des ministres, organisme de composé du ministre de chaque pays membres, qui a pour but l'harmonisation du commissariat avec la politique des États membres;
- L'Assemblée, composée de 87 parlementaires nationaux, contrôle l'ensemble;
- La cour de justice, qui exerce le contrôle juridictionnel sur les différents organes.
La France débat vivement et discute sur les nombreuses critiques du traité. Les gaullistes critiquent l'inexistence d'une Europe politique et la CED sous le contrôle de l'OTAN. Pour les communistes, l'impérialisme hégémonique du camp occidental, symbolisé par l'attitude belliciste de l'OTAN accentuant la division des deux Allemagne, cherche à isoler le camp des démocraties populaires.
Malheureusement, la crainte du réarmement de l'armée allemande et la mort de Staline le 5 mars 1953, la première détente de la guerre froide donnent des interrogations quant a la nécessité d'une armée européenne; la CED est rejeté. Cela aura deux conséquences:
- Les accords de Paris et de Londres de l'automne 1954 permettront a l'Allemagne de recréer une armée autonome dans le cadre de l'OTAN;
- La question d'une défense européenne intégrée restera sans aboutissement jusqu'à la fin de la Guerre Froide et aux négociations du traité de Maastricht.
Source assemblée nationale.fr / armée.com
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J'aurais voulu mettre tous vos articles traitant des relations internationales avant l'effondrement de l'URSS et seulement après, pour une question de logique chronologique, mettre ceux qui traitent des relations internationales post guerre-froide (difficile d'évoquer l'ascension de Vladimir Poutine ou les deux guerres avec l'Irak sans revenir sur la fin de la guerre froide.). Mais comme un certain nombre des articles de cette série me manquent encore, je vais en profiter pour aussi faire un petit crochet sur la question européenne.
La question de la défense européenne commune pose la question de l'échec du projet de CED . Quelques remarques sur la forme tout d'abord : tu me livres un article finalement assez court, avec pas mal de phrases "empruntées" quasiment telles quelles à Wikipedia ou aux deux sources que tu me cites. cela ne fait pas un vrai travail personnel. Sur un sujet finalement aussi simple que celui là c'est un peu court. Il aurait été aussi utile d'aller de se rapprocher de notre époque parler de l'Eurocorps, régiment franco-allemand auxquels d'autres pays européens se sont joints.
L'idée de créer une armée européenne pour lutter face à la menace soviétique est une idée qui illustre bien le climat de tension des débuts de la guerre froide. Lorsqu'en 1951 les Etats-Unis poussent fortement à la constitution de ce projet de défense alors même qu'on ne parle pas encore de Communauté Européenne (l'ancêtre de l'Union Européenne actuelle), c'est tout juste si existe la Communauté Economique du Charbon et de l'Acier, zone de libre échange sur ces deux matières premières.
Les communistes français rejettent évidemment ce projet qu'ils voient comme une attaque directe contre l'Union Soviétique.
Six ans après la seconde guerre mondiale l'idée de réarmer l'Allemagne a du mal à passer dans notre pays, comme celle de subordonner complétement l'armée française à un ensemble européen et de perdre ainsi notre indépendance nationale dans le cadre d'une armée commune européenne.
Affiche anti-CED du Parti Communiste Français.
« Pour organiser l’Europe, qu’on la prenne donc comme elle est, c’est-à-dire comme un ensemble formé de peuples très distincts dont chacun a, bien à lui, son corps, son âme, son génie et, par suite, doit avoir ses forces. Renvoyons aux géomètres les plans étranges qui prétendent mêler, à l’intérieur des mêmes unités, les contingents de pays divers pour fabriquer l’armée apatride. Où donc les soldats de cette Babel militaire iraient-ils puiser leur vertu ? Si, pour une coalition, il est nécessaire d’instituer entre États, par délégation de tous, un système unique aux échelons supérieurs du Commandement, le principe qui domine tout c’est qu’une armée se bat avant tout pour son pays, sous l’autorité de son gouvernement et sous les ordres de ses chefs. Aucune, je dis aucune, de celle que doit fournir l’Europe ne saurait être ni bâtie, ni employée, autrement. »
Général de Gaulle, discours prononcé à Nîmes en 1951
Le projet finit donc par capoter et c'est finalement l'OTAN qui va jouer le rôle de système de défense commun sur notre continent. L'Europe se dote d'institutions économiques, puis politiques mais restera divisée quand à l'utilité d'avoir une armée et une diplomatie commune. En tant de crise cela pourrait être un avantage, mais cela voudrait dire aussi que chaque pays doit se plier à la décision commune. C'est ainsi qu'en 2003, s'il avait existé une armée européenne commune lors de l'engagement américain en Irak, elle serait intervenue là bas car la majorité des pays européens soutenait l'alliance avec les Etats-Unis.
Le problème après la chute du Mur de Berlin est de savoir s'il faut faire une armée européenne indépendante, une armée européenne associée à l'OTAN ou si l'Europe doit laisser les pays maîtres de leurs armées.
La question reste toujours importante et varie selon les gouvernements. La France pendant longtemps n'a absolument pas eu envie de voir ses décisions internationales dictées par d'autres. La Grande Bretagne aussi tout en gardant un partenariat privilégié avec les Etats-Unis. Pour les pays d'Europe de l'Est la protection américaine semble plus solide qu'une illusoire armée européenne qui en plus couterait très cher. La France semble de plus en plus se ranger à cette dernière solution, le président Sarkozy ayant rompu avec l'idée gaulienne d'indépendance militaire de la France pour revenir au sein du commandement intégré de l'OTAN.
Néanmoins des réalisations militaires européennes existent comme des projets d'armements communs dont le Tigre, hélicoptère de combat franco-allemand ou l'Eurofighter, avion de chasse germano-britanico-italo-espagnol (projet auquel la France n'a hélas pas participé pour des raisons politico-industrielles). Surtout depuis 1993 existe l'Eurocorps, des bataillons d'abord franco-allemands auxquels se sont joint les belges, les luxembourgeois et les espagnols. Malgré ses 60 000 hommes, cette "armée européenne" dont le commandement est basé à Strasbourg et qui communiquent en anglais (à laquelle la Pologne devrait se joindre cette année) reste plus symbolique qu'autre chose, même si elle intervient en Bosnie ou en Afghanistan.
L'écusson de l'Eurocorps