Lors de la conférence de Potsdam, réunie en juillet 45, les vainqueurs de la guerre décident du sort à appliquer à l'Allemagne nazie. Celle-ci doit être démilitarisée avec interdiction de reconstituer une armée offensive, décartellisée pour briser ses grandes entreprises industrielles (option rapidement oubliée lorsque la perspective de la guerre froide fera de la reconstruction allemande une priorité), décentralisée pour briser son nationalisme et surtout dénazifiée.
En effet la découverte des horreurs réelle du nazisme va faire prendre conscience aux vainqueurs qu'il ne s'agit pas là d'un régime nationaliste comme un autre.
Il faut extirper une idéologie qui a eu douze ans pour s'enraciner dans l'esprit des allemands et rééduquer un peuple vers la démocratie.
Les américains transforment une "rue Adolf Hitler" en "rue de la gare"
Première étape nettoyer l'Allemagne de ses anciens nazis. Les alliés établissent une liste de 178 000 nazis à arrêter pour décapiter ce qu'il reste de l'appareil d'état hitlérien en Allemagne. Dans le même temps se mettent en place les moyens de juger les dignitaires survivants, et en premier lieu le procès de Nuremberg accompagné par un série d'autres concernant des seconds couteaux tout aussi compromis dans les crimes du régime.
Pour le reste des anciens nazis de rangs plus secondaires, ceux qui ne s'enfuient pas ou qui ne partent pas directement en prison vont se voir interdire l'exercice de tout poste à responsabilité dans les quatre zones d'occupation en Allemagne.
(souce :encarta)
Rapidement les autorités alliées se retrouvent face à un paradoxe. Quasiment toutes les élites allemandes, industriels, politiques, magistrats, professeurs, artistes ont collaborés de plus ou moins bon gré avec le régime hitlérien. Les véritables résistants allemands anti nazis sont une minorité comme Konrad Adenauer (ancien maire antinazi de Cologne et futur premier ministre de la nouvelle Allemagne Fédérale) et sont trop peu nombreux pour pouvoir gérer le pays à eux tout seuls.
Les alliés vont réagir à ce problème de façon variée. Français et Britanniques, après avoir épurés les principaux responsables vont utiliser industriels et ingénieurs, même anciennement encarté au parti nazi, pour relancer la machine économique allemande qui peut rembourser les dégâts de la guerre. Et au passage récupérer aussi pas mal de cerveaux dans la grande pêche aux savants allemands qui a lieu après la guerre
Les américains vont mettre en place un système de notation administrative du niveau d'implication des suspects dans l'appareil nazi de "criminel majeur" à "suiveur" avec interrogatoire des personnes pour déterminer leur degré de foi dans le nazisme. Mais débordés par la tache et se concentrant de plus en plus sur la menace communiste, ils vont laisser filer un bon nombre d'anciens bourreaux qui arriveront à se faire passer pour de modestes suiveurs un peu trop crédules. La plupart essayent désormais de se faire oublier mais un certain nombre, plus opportunistes, se mettent aussitôt au service des vainqueurs, généralement en dénonçant d’anciens camarades plus mouillés qu’eux. C’est ainsi qu’un certain nombre d’anciens membres du parti nazi vont proposer leurs services, aussi bien aux américains qu’aux soviétiques, selon les circonstances.
Soldats soviétiques enlevant l'enseigne d'un bureau du parti nazi
De gros poissons arrivent à se reconvertir comme Klaus Barbie, chef de la gestapo lyonnaise, tortionnaire de Jean Moulin qui met ses compétences de flic au service des dictatures pro-américaines d’Amérique latine, ou encore Otto Skorzeny, véritable héros du régime après avoir délivré Mussolini capturé par les partisans italiens, qui loua ses services militaires à l’Espagne franquiste ou à l’Egypte. On pourrait parler de Werner Von Braun créateur des fusées V1 et V2 qui bombardèrent Londres, catapulté par les américains directeur de leurs recherches spatiales. Ou encore de Reinhardt Gehlen, général des services secrets allemands pendant la guerre qui offre aux américains toutes leurs archives sur les activités soviétiques et l’aide des réseaux implantés en Europe de l’Est par les nazis. En remerciement de ses talents, il devint le chef du BND, les services de renseignements ouest-allemands, jusqu'en 1968
Les soviétiques eux vont plus pragmatiquement installer le communisme dans leurs zones, affirmant très vite qu’ils ont extirpé le nazisme d’Allemagne Orientale et accusant les occidentaux de protéger les anciens criminels de guerre. Ils ne vont pourtant pas non plus se gêner pour recruter massivement savants et anciens responsables nazis comme Helmut Grottrup, ancien assistant de Von Braun, pour concevoir le programme spatial soviétique En effet beaucoup d’anciens nazis vont se reconvertir dans le nouveau régime d’Allemagne de l’Est, la possession par les soviétiques des dossiers prouvant qu'ils étaient d'anciens SS étant un bon moyen de s'assurer leur fidélité craintive.
Au final une loi d’amnistie votée en 1949 en Allemagne Fédérale, renforcée par une seconde loi votée en 1954, prescrit tous les délits inférieurs à 3 ans liés à l’appartenance au nazisme y compris pour ceux qui se cachent sous un faux nom.
Après les hommes, reste à rééduquer les esprits. Cet examen de conscience sera plus long mais aussi plus réussi à long terme que la tâche titanesque d’éliminer de la vie publique tout ceux qui, de près ou de loin, avaient trempé dans le nazisme. Les alliés obligent les populations allemandes a se confronter physiquement aux camps et à la déportation, utilisent journaux et cinéma pour conforter le sentiment de faute collective à expier. Devant l’horreur de ses actes, le pays doit se reconstruire en intégrant non seulement la défaite mais aussi sa responsabilité collective, en tant que nation, dans les pires crimes de l’Histoire. Il faudra une génération complète pour changer en profondeur les allemands
Caricature allemande de 1948 sur la dénazification
A l’Est, le communiste triomphe comme libérateur du nazisme et construit une nouvelle société totalitaire. Dans le même temps dans les trois zones occidentales, il s’agit aussi de faire renaître le sentiment démocratique en encourageant les journaux, les Eglises et le syndicalime et surtout en contrôlant les programmes scolaires pour réeduquer la jeunesse. Il s’agit de remodeler aussi l’art et d’effacer les traces de l'ancienne idéologie sur les œuvres à la gloire de l’hitlérisme triomphant.
Si à partir des années 50 seul un allemand sur quatre proclame encore avoir une bonne image d’Hitler, l’Allemagne essaye surtout de tourner la page. Elle n’a plus le droit d’avoir d’armée offensive, elle est séparée et occupée. Alors elle se tourne vers le pacifisme, vers l’industrie et la construction européenne pour se reconstruire une identité. Elle cherche à oublier son passé alors qu’elle est l’une des principale victime de la guerre froide. Les nouvelles générations vont développer un rejet violent de cet héritage qui culminera dans les années 70 quand de nombreux jeunes allemands redécouvrant les crimes de leurs pères, se tourneront massivement vers le pacifisme militant, l’écologie et pour certains qui redécouvrent leur histoire familiale, basculeront en réaction dans le terrorisme d’extrême gauche.
Enfin la denazification toucha surtout l’Allemagne, l’Autriche engloutie par l’anschluss de 1938 se vit davantage comme une victime que comme un bourreau et fit beaucoup moins son examen de conscience que l’Allemagne. Brièvement occupée en 45-46, elle devint un prospère pays neutre où de nombreux anciens nazis se firent oublier et refirent carrière. Elle aura à son tour un électrochoc de taille lorsque dans les années 80 on découvrira qu’un de ses présidents (et ancien secrétaire général de l’ONU) Kurt Waldheim avait été un Waffen SS ayant participé à des massacres en Yougoslavie.
Si de nos jours, le souvenir de la guerre s’estompe et les derniers survivants de cette période disparaissent, il reste encore un poids extrêmement lourd pour l'Allemagne et les révélations de l’engagement dans les organisations de jeunesse hitlérienne de l’écrivain Günther Grass ou du pape Benoit XVI, adolescent pendant la guerre, restent des taches que les allemands évoquent toujours avec difficulté.
Source : La dénazification de Marie Bénédicte Vincent - Wikipedia (photo)